Histoire

Le projet du Centre Poly Culturel Résistances s’’inscrit dans la continuité de celui du club Federico Garcia Lorca qui a fermé ses portes en décembre 2008.  L’association Federico García Lorca (FGL) est constituée, en 1954, par des exilés espagnols avec l’aide d’anciens brigadistes internationaux, elle avait pour objet « de promouvoir les liens d’amitié entre Belges et Espagnols et de faire connaître en Belgique l’art, le folklore, la littérature, l’histoire et tous les aspects de la vie du peuple espagnol ». La généralité de l’objet social s’explique par l’interdiction faite à l’époque aux étrangers de mener une quelconque activité politique en Belgique (arrêté de loi du 28 septembre 1939 sur la police des étrangers). Il n’empêche que les clubs FGL constitueront le cadre dans lequel se développera le Parti Communiste Espagnol en Belgique.

À Liège, les clubs ont connu un important développement de leurs activités, principalement impulsé par la deuxième génération, qui publiait un petit journal interne et organisait des ateliers de photo, un ciné-club, des groupes de danse, des équipes de foot, des excursions, etc. Ces activités ont contribué à attirer de nombreux jeunes espagnols qui entrèrent pour la première fois en contact avec le PCE mais également d’autres jeunes progressistes attirés par la culture espagnole. Dans ce cadre, des relations se sont nouées avec les partis communistes italien et chilien, la FGTB mais aussi avec la maison des jeunes du Quartier Saint-Léonard.

Le FGL a ainsi endossé un nouveau rôle culturel qui n’a pas été compris par les dirigeants du PCE qui entendaient garder la mainmise sur l’association, la considérant comme un simple prolongement du parti. Cette situation généra des conflits entre première et deuxième génération, les plus jeunes désirant ouvrir les structures dirigeantes du club à des personnes extérieures au parti. De « couverture » du PCE, les FGL se constituèrent alors en « Maisons de l’anti-franquisme », plus ouvertes.

L’installation du Federico Garcia Lorca rue de Gueldre à Liège correspond à la période la plus intense de l’histoire de l’association et du PCE à Liège mais aussi la plus riche d’échanges avec la société d’accueil ainsi qu’en témoignait Mario Lada, en avril 2005 :

« […] Et ce sont des débats qu’on a à l’époque avec les copains, du fait qu’il ne faut pas s’enfermer au Lorca mais qu’il faut s’ouvrir à la société. Et comme nous vivons en Belgique, le Lorca doit nous alimenter, mais cette alimentation doit aller dans la société. En somme, je vais reproduire la Fabrique Nationale/Les Lorca ; Les Lorca/La Fabrique Nationale [de Herstal]. Il faut être dans la société, sans la société notre projet politique, etc. n’a pas de sens. Donc voilà. Et va commencer à partir de 69 la période la plus luxueuse des Lorca. Ça c’est déterminant, c’est que tout va être chamboulé ».

Les années 1970 marquèrent la fin de la vague migratoire espagnole vers l’Europe : la mort de Franco en 1975 et la légalisation, en Espagne, du PCE en 1977 jouèrent un rôle important tout comme la fermeture des frontières des pays européens (pour la Belgique, en 1974. C’est dans ce contexte de crise économique que le FGL de Liège connu un processus de décentralisation dans les lieux de vie de la communauté espagnole : en 77 à Seraing près des industries sidérurgiques et à Herstal, proche de Cheratte et de ses mines et de la Fabrique Nationale.

À Liège, la distance entre FGL et PCE s’est concrétisée par la constitution d’un deuxième club, le Deportivo, siège du club de foot et de la plupart des activités entreprises par la deuxième génération, alors que la « maison-mère » du PCE s’installe rue Saint-Léonard.

Le Deportivo de la rue Jonruelle a été un important lieu d’échange avec la société belge et ses différentes composantes, comme en témoigne José Manuel Fernández : « Disons que c’est rue de Gueldre que nous nous projetons vers les Belges, vers les travailleurs des autres nationalités, spécialement les Belges, ce qui est logiquement dû à l’endroit où nous nous trouvons, et ça a été en quelque sorte la prémisse pour aller vers le club de la rue Jonruelle, où, sincèrement, la projection vers les syndicats belges, vers la population belge fut bien plus importante, sans aucun doute, que dans les autres sièges dans lesquels les clubs FGL furent encadrés ».

Le dernier club FGL de Belgique, celui de la rue Saint-Léonard à Liège, a fermé ses portes en décembre 2008. Il était resté le siège du PCE-IU (Izquierda Unida) mais il ne s’y développait que peu d’activités. Il était d’ailleurs essentiellement fréquenté par des immigrés espagnols de la première génération, relativement âgés mais surtout par des habitants du quartier : le FGL comptait, pour la première fois de son histoire, moins de membres espagnols que d’autres nationalités.

Le local du Deportivo a été racheté par le Centre Polyculturel Résistances (CPCR), dont l’action est essentiellement tournée vers la population multiculturelle du Quartier Nord perpétuant ainsi l’héritage de l’ouverture vers la société belge et ses différentes composantes, entreprise par la deuxième génération du Déportivo. « Et en somme, je pense que le Lorca sportif de la rue Jonruelle est une réussite de métamorphose. C’est-à-dire qu’il évolue pour devenir une Maison de Quartier, enracinée dans un quartier populaire, le Quartier Nord, et il devient à son tour, une base d’acquis social pour susciter des débats, très ouverts, sur le monde, les préoccupations de la société. C’est une métamorphose normale, celui-là, oui. Les autres auraient dû suivre le même cheminement, et ils ne l’ont pas fait. […] Et donc, il aurait fallu que les Lorca se métamorphosent, et deviennent des centres de la culture, culture du monde, culture… […] En somme, c’est [le CPCR] le seul qui a réussi sa métamorphose, et c’est le seul qui justifie sa continuité, en la garantissant. Et ce qui est intéressant c’est que ce n’est plus qu’un travail d’Espagnols, c’est un travail de Belges et d’autres nationalités, qui ont fusionné leur savoir-faire et leur vision du monde, et leur solidarité pour créer une image nouvelle, plus solidaire… Je pense qu’on a créé des Internationalistes convaincus ». (Mario Lada, du 29 avril 2005).

(*) Source : CARCOB – Archives communistes